
Lors d’un divorce, il est fréquent que la question de la prestation compensatoire se pose. La prestation compensatoire est même souvent l’occasion d’âpres discussions, négociations et/ou combats acharnés entre les époux. Et il n’est pas rare que, à cette occasion, l’un de ces époux (si ce n’est les deux) dissimule délibérément une partie de ses ressources. Pour l’époux qui la pratique, le but de cette manœuvre est bien évidemment de se faire passer pour plus « pauvre » qu’il ne l’est et ce dans l’espoir de jouer sur le montant de la prestation compensatoire qui pourrait être fixé in fine.
Face à une telle opacité, reste à savoir ce que peut faire l’époux qui réclame la condamnation de son conjoint à devoir lui verser ladite prestation compensatoire ou, plus exactement, quelle position doit être adoptée par les juges dans un tel cas de figure.
Pour commencer, rappelons brièvement que la prestation compensatoire est, aux termes de l’article 270 du code civil, une prestation : « destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ».
A cet égard, l’article suivant dispose que : « La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible » puis énumère un certain nombre d’éléments - non exhaustifs - à prendre en considération pour la fixation de cette prestation.
Il en résulte que c’est l’ensemble des ressources de l’époux, à qui elle est demandée, dont il doit être tenu compte pour fixer le montant de la prestation compensatoire.
Tel est le sens de l’arrêt rendu le 15 janvier 2020 par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation.
Dans les faits, une épouse avait obtenu, en première instance, la condamnation de son mari à devoir lui verser une prestation compensatoire.
Le mari interjeta appel de cette décision.
La question de la prestation compensatoire revint donc sur le tapis et fut donc, à nouveau, débattue devant la Cour d’appel.
Dans le cadre de ce procès en appel, ledit mari déclara ne percevoir, en tout et pour tout, que l’allocation de retour à l’emploi et se plaignit, en outre, de ce que son épouse avait jusque-là refusé de vendre le bien immobilier qu’ils avaient en commun.
Il faut croire que la Cour d’appel fut sensible à l’argumentation de Monsieur puisqu’elle infirma le jugement rendu par les premiers juges et, statuant à nouveau, débouta Madame de sa demande de prestation compensatoire en tenant compte, d’une part, des ressources déclarées par Monsieur et, d’autre part, du fait que ces conjoints disposaient d’un bien immobilier commun dont la vente leur procurerait des fonds respectifs suite à la liquidation-partage de leur régime matrimonial.
A son tour, Madame fit un recours.
Pour ce faire, elle forma contre l’arrêt d’appel un pourvoi devant la Cour de cassation, plus haute juridiction de France en la matière.
Dans le cadre de ce pourvoi, Madame fit grief à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché si, au vu des « offres de preuve » qu’elle produisait, son époux ne continuait pas - en réalité et contrairement à ce qu’il prétendait - à exercer une activité occulte de courtage d'œuvres d'art qui lui procurerait des revenus importants.
Dans le cadre de ce pourvoi, Madame fit grief à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché si, au contrairement à ce qu’il prétendait - à exercer une activité occulte de courtage d'œuvres d'art qui lui procurerait des revenus importants.
La Cour de cassation donna raison à Madame puisqu’elle décida que :
« En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, offre de preuve à l'appui, si (l’époux) ne continuait pas à exercer une activité professionnelle productive de revenus », la Cour d’appel susvisée n’avait pas correctement appliqué les articles de loi précités. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000041490403/
En conséquence, l’arrêt d’appel fut cassé et l’affaire renvoyée devant une autre formation pour être jugée à nouveau.
Faute de disposer de plus amples explications, le praticien s’interrogera sur ce qu’il y a lieu d’entendre par la notion d’ : « offre de preuve » (plus usitée en droit de la diffamation qu’en droit de la famille). A priori, il y a lieu de croire qu’il pourrait s’agir de commencement de preuve ou d’indices laissant présumer la réalité du fait : Madame ayant dû fournir au cours des débats un certain nombre de pièces rendant plus que vraisemblable l’existence de l’activité occulte de son mari. Par ailleurs, dans quelle mesure la Cour d’appel aurait-il du rechercher la véracité des dires de Madame ? Et de quels moyens disposait-elle concrètement pour ce faire ? Gageons que ce qu’a entendu reprocher la Cour de cassation à la Cour d’appel est le fait de ne pas s’être du tout penchée sur l’argumentation et les pièces fournies par Madame quant à l’existence de cette activité occulte. Enfin, l’on constatera que la Cour de cassation a écarté le moyen selon lequel, à la suite de la liquidation-partage de leur régime matrimonial, les époux disposeraient de fonds issus de la vente de leur immeuble.
Comments