Bienvenu(e)s dans le Merveilleux Monde de l’Amitié virtuelle (ou pas) et de la loyauté !
Par arrêt en date du 30 septembre 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation, plus haute juridiction de France, vient de rendre un arrêt dont le mérite sera peut-être, dans l’avenir, de parvenir à mettre un frein ou, pour le moins, à limiter, éviter ou encadrer le comportement de certains qui se croient autorisés à tout par le biais des réseaux sociaux https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/779_30_45529.html
En l’espèce, une salariée avait été embauchée en 2010 par la société Petit Bateau et était tenue envers elle par une clause de confidentialité.
Pourtant, elle trouva judicieux de publier sur son compte privé FACEBOOK, une photographie de la future collection de mode de son employeur et ce alors même que celle-ci avait été présentée, en exclusivité, aux seuls commerciaux de la société.
Il s’agissait donc là, de la part de ladite salariée, d’une divulgation, pure et simple, d’une information professionnelle à caractère confidentiel.
Et cette divulgation s’avéra d’autant plus fâcheuse que, semble-t-il, certains de ses privilégiés d’« amis », autorisés à accéder à ses publications Facebookiennes, travaillaient également dans le milieu de la Mode et étaient, à ce titre, susceptibles de le faire pour des entreprises concurrentes…
Informée, par une autre de ses employée, de la publication de cette photo sur FACEBOOK, la société Petit Bateau décida, preuve à l’appui, de licencier pour faute grave la salariée divulgatrice.
Cette dernière contesta le bien-fondé de son licenciement devant le Conseil de prud’hommes puis devant la Cour d’appel.
Elle perdit ; la Cour d’appel considéra, en effet, son licenciement comme étant bel et bien fondé.
Qu’à cela ne tienne !
Ladite salariée n’en resta pas là et saisit, ensuite, la Cour de cassation.
Elle y a fait grief à la Cour d’appel d’avoir considéré comme bien-fondé, son licenciement pour faute grave.
Ainsi, reprocha-t-elle, en premier lieu, à la Cour d’appel d’avoir considéré comme valable la preuve de cette publication : « alors que cette preuve provenait d’une photographie qu’elle avait publiée sur son compte FACEBOOK privé, non accessible à tout public mais uniquement aux personnes qu’elle avait accepté de voir rejoindre son réseau d’ « amis facebookiens ».
Rappelons en effet que, jusqu’à présent, la Cour de cassation avait considéré comme irrecevables les preuves provenant de comptes privés FACEBOOK car jugées comme : « portant une atteinte disproportionnée et déloyale » à la vie privée des salariés. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036345756/
Or, dans notre affaire, la Cour de cassation semble mettre le holà à cette permissivité puisqu’elle a décidé que si, certes : « La production en justice par l’employeur d’une photographie extraite du compte privé FACEBOOK de la salariée, auquel il n’était pas autorisé à accéder (…) constituait une atteinte à la vie privée de la salariée » il résultait, cependant, des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que : « Le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi ».
En somme, un employeur peut produire, à titre de preuve, une pièce susceptible de porter atteinte à la vie privée de son salarié à condition qu’il ne puisse pas faire autrement et que cette atteinte ne soit pas disproportionnée à l’objectif.
En l’occurrence, force est de constater que l’atteinte à la vie privée de la salariée n’était pas disproportionnée quant on sait que, par la publication, sur son compte privé FACEBOOK, de la photographie de la future collection de mode de son employeur, c’est à la fois tout le travail de ses collègues et les retombées économiques escomptées par son employeur qu’elle risquait, de facto égoïstement, de mettre à mal.
Ce n’est finalement là que la sanction d’un abus de droit.
La liberté et le la vie privée sont fort heureusement protégées mais, contrairement à une idée reçue, ne sont pas pour autant illimitées.
Leur limite est l’abus. L’abus dans leur exercice.
On ne saurait donc se cacher derrière cette vertueuse et précieuse protection pour la galvauder et s’en servir - tel un rempart – afin de faire tout et n’importe quoi avec, en prime, un sentiment d’impunité totale. Car, c’est ici abuser de cette protection même et de sa raison d’être ; la détourner.
A l’heure des fakenews, propos racistes, extrémistes, sexistes, calomnieux, injurieux et autres qui pullulent et grouillent sur les réseaux sociaux, il parait opportun de le rappeler.
Enfin, cerise sur le gâteau, le lecteur saura que la salariée avait, en second lieu, reproché à la Cour d’appel d’avoir accepté ce type de preuve alors que, figurant sur son compte privé FACEBOOK, elle aurait été recueillie par son employeur par un procédé déloyal.
Or, non seulement, tel n’était pas le cas puisque la preuve de la photographie de la collection publiée sur son compte privé FACEBOOK avait été rapportée à l’employeur par l’une de ses « amies » autorisée à accéder à son compte privé mais, surtout, l’on pourrait être tenté de penser que c’est l’hôpital qui se moque de la charité.
Car, en effet, la salariée licenciée était – quant à elle – soumise à une obligation de loyauté envers son employeur puisqu’elle avait souscrit, dès son embauche, une clause de confidentialité aux termes de laquelle elle s’engageait, précisément, à ne rien divulguer.
A une époque où tout le monde clame ses droits, on ne saurait plus que jamais oublier les devoirs.
A travers cet arrêt, c’est encore une fois la sphère de la vie privée et la sphère de la vie professionnelle qui viennent se télescoper. Il s’agit donc de trouver un juste équilibre pour que l’une ne puisse empiéter sur l’autre ; c’est l’intérêt privé contre l’intérêt général et le poids de leurs atteintes respectives qui fut, manifestement estimé, comparé dans ce nouvel arrêt de la Cour de cassation.
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