Dans l’hypothèse où vous auriez été licencié pour faute grave et où vous ne seriez pas d’accord avec le bien-fondé de ce licenciement, vous vous interrogez peut-être sur ce qu’il convient de faire.
En clair, convient-il d’agir ou de ne pas agir ? Y avez-vous intérêt ? Et si oui, de quelle manière ?
Répondre à ces questions, aux apparences simples, nécessite en réalité d’étudier - au préalable - un certain nombre de points.
Ce n’est qu’au vu de l’ensemble que vous pourrez raisonnablement estimer si vous avez intérêt ou non à agir.
Cela implique de connaître les règles de droit et de les maitriser.
Et, à cet égard, Internet regorge d’articles de droit.
Aussi, pourriez-vous être tenté de vous y référer et ça serait légitime.
Malheureusement, c’est également trompeur et peut s’avérer risquer.
Car, en effet, l’écrasante majorité de ces articles ne traite que de quelques points ou problèmes de droit spécifiques.
Aucun ne les appréhende tous, dans leur globalité. Et c’est bien normal quand on sait l’étendue de la question.
Le droit fourmille de principes, d’exceptions et de subtilités interprétatives. Il ne s’agit donc pas d’ignorer la forêt qui peut se cacher derrière tel ou tel article.
Cela reviendrait à s’aventurer - sans même en avoir conscience – dans un milieu chargé d’embuches et de pièges.
C’est la raison pour laquelle cet article n’a pas la prétention d’aborder l’infinité de points que chaque cas particulier peut soulever mais de s’attarder sur les plus courants d’entre eux afin que vous puissiez les mettre en perspective et entr’apercevoir, tel un puzzle, si vous avez plutôt intérêt à agir ou non afin de contester votre licenciement pour faute grave.
Le premier point consiste à vérifier que vous êtes encore dans les délais :
L’article L.1471-1 du code du travail édicte notamment que : « Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture ».
En clair, dans l’hypothèse où une lettre de licenciement vous aurait été notifiée (ou considérée comme telle), il convient de vérifier que cette notification (généralement par lettre recommandée avec accusé réception) a eu lieu il y a moins de douze mois.
Si tel est bien le cas, vous êtes dans les délais pour saisir la Justice afin de contester le bien-fondé de votre licenciement.
Dans le cas contraire, vous vous exposeriez à voir votre action déclarée irrecevable car prescrite.
Vous n’y auriez donc aucun intérêt.
Cela ne vous interdit cependant pas de saisir la Justice pour des demandes autres que la contestation stricto sensu de votre licenciement (ex : rappels de salaires, heures supplémentaires, harcèlement etc.)
Un autre point est d’ordre psychologique :
Il consiste à avoir conscience que certains employeurs décident de licencier un salarié pour des motifs cachés.
Par exemple, parce qu’ils ont besoin d’alléger leurs charges ou bien encore parce que la situation médicale de leur salarié ne leur convient pas.
Ainsi, ces employeurs n’hésitent-ils pas soit à inventer des griefs (allant, parfois, jusqu’à monter de faux dossiers), soit à se servir de prétextes pour dissimuler la vraie raison de ce licenciement soit etc.
Un autre point vise à vérifier que la procédure de licenciement a bien été respectée :
A cet égard, il résulte, en substance, des articles R.1232-1 et suivants du code du travail que pour licencier un salarié (hormis pour certains licenciements), un employeur doit respecter un certain nombre de règles et de délais.
Ainsi, un employeur :
1/ Doit-il commencer par adresser à son salarié « par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge » une lettre de convocation à un entretien préalable en indiquant dessus le jour et l’heure de cet entretien ainsi que la possibilité de se faire assister : « par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par un conseiller du salarié »
2/ Doit-il, ensuite, tenir cet entretien préalable sauf si le salarié ne s’y rend pas (ce qui est son droit) étant précisé que, en tout état de cause, cet entretien préalable ne peut pas avoir lieu : « moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de ladite lettre de convocation »
3/ Doit-il, enfin, attendre de laisser passer deux jours ouvrables avant d’envoyer sa lettre de licenciement à son salarié.
A défaut, la procédure de licenciement peut être jugée irrégulière par la Justice et l’employeur condamné à verser à son salarié des dommages et intérêts.
Toutefois, en application de l’article L.1235-2 du code du travail, le montant de ces dommages et intérêts dépendra de l’ampleur du préjudice subi par ledit salarié du fait de l’irrégularité et ne pourra pas être supérieur à un mois de salaire.
En outre, l’irrégularité d’une procédure de licenciement « n’annule » pas, en lui-même, le licenciement ; elle ne l’invalide pas, ne le rend pas abusif pour autant.
En revanche, l’inobservation d’autres règles par l’employeur peut amener la Justice a considérer votre licenciement comme étant « sans cause réelle et sérieuse » c’est-à-dire abusif, infondé (sur le fond).
Aussi, devez-vous relever si, dans votre cas, l’une de ces règles n’aurait pas été violée.
Dans l’affirmative, il conviendra d’en déduire que, d’un point de vue juridique, vous avez plutôt intérêt à agir aux fins de contester le bien-fondé même du licenciement pour faute grave dont vous avez fait l’objet.
Au nombre de ces règles, on peut notamment vous inciter à :
- Vérifier si votre lettre de licenciement mentionne bien des griefs à votre encontre et, le cas échéant, si les faits qui vous sont reprochés dans cette lettre de licenciement sont mensongers, erronés ou, bien encore, la résultante du comportement de votre employeur.
Il faudra néanmoins vous attendre à devoir le prouver.
- Vérifier si la procédure de licenciement pour faute grave a été engagée dans un « délai restreint » à compter du jour où l’employeur a eu connaissance du fait fautif sur lequel il se fonde pour vous licencier.
A cet égard, la Cour de cassation a déjà eu lieu de décider qu’un licenciement pour faute grave était abusif au motif que l’employeur avait mis un mois ou un mois et demi à compter du jour où il avait eu connaissance des faits fautifs pour envoyer au salarié sa lettre de convocation à se rendre à un entretien préalable.
- Vérifier si, conformément aux exigences de l’article L.1332-2 du code du travail, la lettre de licenciement vous a été expédiée pour notification dans le délai maximum d’un mois à partir du jour de l’entretien préalable.
Ce sont là des vérifications importantes car le non-respect de l’un de ces points peut conduire la Justice à juger votre licenciement disciplinaire comme étant un licenciement abusif.
Les conséquences financières seraient alors très probablement plus intéressantes pour vous que celles de la simple irrégularité de procédure car vous pourriez avoir droit à diverses indemnités ainsi qu’à des dommages et intérêts ne se limitant pas nécessairement à un mois de salaire maximum.
Un autre point a attrait à la convention collective à laquelle est rattaché votre employeur :
Il s’agit ici de parcourir votre convention collective afin de vérifier si elle ne comporte pas de dispositions spécifiques en la matière et, le cas échant, si elles ont bien été respectées par votre employeur.
Un autre point est affaire d’appréciation quant à la qualification en faute grave des faits qui vous sont reprochés :
Faute de définition prévue par la loi, la Cour de cassation a été contrainte de lui en donner une.
Ainsi, la faute grave est-elle, selon la Cour de cassation, « la faute qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise » (Cour de cassation, 27 septembre 2007, N°: 06-43867 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000017912121?page=1&pageSize=10&query=06-43867&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=juri&typePagination=DEFAULT).
Il doit s’agir de faits imputables au salarié et n’ayant pas déjà été disciplinairement sanctionnés par un avertissement ou autre.
Contrairement à la faute « lourde », pour être qualifiée de « grave », il n’est pas nécessaire que cette faute ait été spécifiquement commise par le salarié dans le but précis de nuire à son employeur.
Aussi, à supposer que les faits reprochés au salarié dans la lettre de licenciement soient exacts, encore faut-il se demander s’ils sont bel et bien susceptibles de caractériser une faute grave et non une faute plus légère ou d’un tout autre ordre tel qu’une « insuffisance professionnelle » etc.
Car, à défaut, le licenciement peut se voir requalifié ou considéré comme abusif par la Justice.
C’est à elle qu’il reviendra de l’apprécier.
Restera encore à vérifier dans quelles circonstances a eu lieu cette éventuelle faute grave car selon qu’elle a eu lieu sur votre lieu de travail, dans votre vie personnelle ou alors que vous étiez en arrêt de travail ou en congé maternité, les règles divergent.
Enfin, il importe également de retenir que la Cour de cassation a déjà eu lieu de décider que, même lorsque les faits commis par un salarié étaient graves, un licenciement pouvait, eu égard à l’ancienneté du salarié, être considéré comme une sanction disciplinaire disproportionnée et donc abusive (Cour de cassation du 2 novembre 2005, 03-42.452 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007500196?page=1&pageSize=10&query=03-42452&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=juri&typePagination=DEFAULT)
Un autre point se rapporte à la preuve
En matière de licenciement pour faute grave ou de licenciement pour faute lourde, il est notoire que la charge de la preuve pèse sur l’employeur.
En clair, c’est à l’employeur d’apporter la preuve des faits qu’il invoque à titre de faute grave ou de faute lourde dans sa lettre de licenciement et non au salarié de prouver qu’il ne les a pas commis.
Si cette preuve n’est pas rapportée alors le licenciement doit fort logiquement être déclaré sans cause réelle et sérieuse.
En pratique, il faut néanmoins s’attendre à ce que l’employeur produise aux débats quelque élément de preuve que ce soit.
Le salarié doit donc se préparer à cette éventualité et envisager de devoir produire, en réponse, une « contre-preuve ».
Dans l’hypothèse où face à l’ensemble de ces éléments, la Justice serait en proie au doute quant à la réalité des faits reprochés dans la lettre de licenciement pour faute grave ou lourde, l’article L.1235-1 du code du travail indique que ce doute doit profiter au salarié ; autrement dit que le licenciement doit être déclaré abusif.
Il importe donc d’essayer de jauger qui - de vous ou de votre employeur - est susceptible de pouvoir l’emporter au niveau de la preuve.
Un dernier point encore réside dans l’enjeu du litige
Afin de vous aider à savoir si vous avez plutôt intérêt à agir ou pas, vous pouvez chercher à déterminer si comme le dit l’expression : « le jeu en vaut la chandelle ».
Autrement dit si, au vu de ce que vous pouvez financièrement espérer gagner en cas de licenciement jugé abusif, il s’avère intéressant ou non pour vous de mener une action judiciaire.
Rappelons à cet égard que le salarié dont le licenciement pour faute grave a été jugé sans cause réelle et sérieuse a le droit à diverses indemnités telles que l’indemnité de licenciement, compensatrice de préavis, compensatrice de congés payés, compensatrice de congés payés sur préavis ainsi qu’à d’éventuels dommages et intérêts dont le montant variera selon l’ampleur du préjudice qu’aura occasionné pour lui le licenciement et dans les limites fixées par le barème visé à l’article L.1235-3 du code du travail.
Cependant, l’argent est rarement la seule motivation d’un salarié licencié pour faute grave (ou autre).
Car il est clair que se faire licencier du jour au lendemain pour une prétendue faute grave reste violent à vivre et parfois profondément injuste.
C’est pourquoi, pour le salarié, l’enjeu peut certes être financier mais également « thérapeutique » à savoir : Vouloir réparer une injustice.
Bref.
Voilà quelques points importants à vérifier pour essayer de vous éclairer un peu plus.
Mais ne vous y trompez pas, il ne s’agit pas là d’une liste exhaustive ; il existe bien d’autres
points lesquels peuvent, en outre, variés d’une situation à l’autre selon les spécificités de chacune.
Le tout, sans compter la stratégie qu’il convient de suivre et les autres éventuels types de demandes que vous pourriez formuler indépendamment de la contestation seule du licenciement (ex : rappels de salaires, heures supplémentaires, harcèlement, violation des dispositions de la loi, de la convention collective ou du contrat de travail etc.).
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